25/09/2009
CONTE À LA CON
Joanette et Firmin naquirent à quelques minutes d'intervalle. Sur la trente-deuxième ramification de la dix-septième branche, elles percèrent l'écorce du chêne tricentenaire, arbre remarquable qui étendait son ombre sereine sur une pâture du bocage normand, quelque part entre Villedieu-les-Poêles et Saint-Martin-des-Besaces.
À l'instant où elles eurent la taille de s'apercevoir, ce fut le coup de foudre - qui n'embrasa heureusement pas leur fagacé de père. Malgré les huit centimètres qui les séparaient à la base, elles ne se quittèrent plus des nervures, ne rêvant que de jouer à touche-nimbe et à saute-pétiole.
L'été passa, débonnaire, apportant aux deux feuilles passionnées ce qu'il fallait de soleil et de pluie. Leurs amours platoniques étaient au zénith de la fièvre quand, dans ses bottes d'averses et son manteau de bourrasques, mère Automne s'avança à grandes enjambées. Dans leurs robes de feu, Joanette et Firmin attendaient l'instant où elles seraient enfin libérées pour convoler en impatientes noces.
Le tourbillon qui les emporta en voulut tout autrement : c'est à peine si elles se frôlèrent avant d'être à jamais séparées. Firmin termina son vol sur une jachère où, lentement, il s'en retourna à la terre nourricière. Joanette atterrit dans une cour de ferme. Un valet désœuvré passa un coup de balai et incinéra les feuilles mortes derrière l'étable.
08:00 Publié dans Contes élagués et courtes proses | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Touche-nimbe et saute-pétiole. Génial !
Chouette texte.
Écrit par : Anna de Sandre | 25/09/2009
Merci, Anna. Ce genre de commentaire fait toujours plaisir.
Écrit par : Éric | 25/09/2009
Ah oui ! tout ça vadrouille gaiement dans les méninges. J'adore.
J'ai un faible pour les doux de la feuille, les robes de feu (+ une tendresse immense pour les poils du maire de Villedieu). Vous permettriez que je relie votre conte à la con à mon feuilleton con bengali de Lyon ?
Écrit par : frasby | 27/09/2009
Reliez, reliez ! Et merci d'avoir pris la peine de lire ce truc, frasby.
Écrit par : Éric | 27/09/2009
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