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05/02/2014

Conte TGV - LA MÉPRISE

Le carreau de Guillaume Tell s’enfonça dans la pomme d’Adam de son fils.

23/06/2013

LE SUPERSTITIEUX

Voulant éviter de passer sous une échelle, il fit deux pas de côté, perdit l’équilibre et passa sous un tram.

20/02/2013

LE CRÉATEUR PSEUDONYMÉ

     Il postait sur de nombreux sites de création littéraire. Il mit longtemps à comprendre que la multiplication de ses pseudonymes ne servait à rien : la médiocrité de son inspiration couplée à une pléthore de fautes d’orthographe et de grammaire récurrentes permettait de le repérer en quelques secondes.

12/01/2013

ROMANTISME

Ce soir-là, le soleil s’enfonça réellement dans la mer et les amoureux venus pour profiter du spectacle n’eurent même pas le temps de

Coucher de soleil.jpg

25/12/2012

POURQUOI L'ANNÉE NE COMMENCE PAS LE 25/12

Depuis un hôtel proche de la Crèche et en exclusivité pour ©ana£, voici la première interview de monsieur Joseph Christ.

« Nous sommes en direct de Bethléem, en future Cisjordanie, quelques jours avant le début de notre calendrier actuel. Alors, monsieur Christ, tout s’est bien passé ?
— Je refuse de répondre à des questions relatives à la conception, c’est écrit dans le contrat.
— Je ne parlais pas de la conception, mais bien de l’accouchement.
— Une césarienne, d’après le nom d’un empereur romain né il y a environ un siècle, à un an près.
— Donc, ni conception ni véritable accouchement...
— Si vous prononcez encore une fois le mot « conception », je romps le contrat et ©ana£ devra me verser 10 000 € ou 13,127.58 US$ au cours d’il y a deux heures à la bourse de New York.
— D’accord, monsieur Christ. Comment va l’enfant ?
— Il va très bien.
— La mère ?
— Le gynéco dit que ce sera son dernier.
— Il s’appelle comment ?
— Iscariote. Docteur Iscariote.
— L’enfant !
— Ah, le bébé ! Jésus. Jésus Christ.
— Vous pensez qu’il arrivera à quelque chose dans la vie ?
— J’en doute. Franchement, c’est une région très instable, ici. Si Jérusalem nous avait délivré le visa pour l’U.E. quand mon épouse m’a avoué qu’elle était de nouveau enceinte, elle aurait pu aller avorter à Paris. Mais les marchands d’armes refusent que nous quittions la région car ils ont encore énormément de beurre à se faire dans le coin. Bon, je vous laisse, j’ai rendez-vous dans dix minutes à l’autre bout du village dans un pub irlandais avec un journaliste américain.
— Et pour le calendrier, quand irez-vous déclarer la naissance, monsieur Christ ?
— Ça dépendra du nombre de Guinness qu’on va m’offrir au pub. Merci et bye ! »

(Texte – un peu retravaillé – paru dans Microbe 52 – 03-2009)

12/07/2012

LA LOI DES SÉRIES

Alors qu’elle déposait un bouquet de fleurs au pied de l’arbre contre lequel s’était écrasée un an plus tôt la voiture conduite par son époux avec son fils à ses côtés, un chauffard la faucha et prit la fuite, la laissant agoniser sur le bas-côté de la route.

19/03/2012

LA FRUSTRATION

À la limite de l’orgasme, elle lui souffla : « Je voudrais… que tout ça… recommence… éternellement ! » À la limite de l’orgasme, elle lui souffla : « Je voudrais… que tout ça… recommence… éternellement ! » À la limite de l’orgasme, elle lui souffla : « Je voudrais… que tout ça… recommence… éternellement ! » À la limite de l’orgasme, elle lui souffla : « Je voudrais… que tout ça… recommence… éternellement ! »

(La version intégrale, en recherche d'édition, compte 812 pages.)

31/10/2011

La saga Maigros - Épisode 95 - MAIGROS EN TÔLE

    BANDE D’ENCULÉS D’CONNARDS D’CUL FOIREUX D’MATONS !

  Maigros est d’une humeur massacrante : les gardiens de la prison de Majioulx se sont à nouveau mis en grève et c’est la police qui doit les remplacer. Motif de l’arrêt de travail : le transfert à Majioulx d’une détenue jugée très dangereuse, Daisy Deltchole, surnommée Daisy-la-Dingue, alors que la prison ne dispose pas de quartier de haute sécurité.

 Derrière le dos de sa chef, tipp-exant et faussant en écriture sans la plus infime vergogne, l’inspecteur s’arrange pour être désigné responsable du quartier des femmes. Il est mauvais comme un pet qui ne parvient pas à sortir.

 Quand il prend son service à 18:00, secondé par Poireau, il est à moitié bourré. On sent une colère rentrée qui lui sourd de chaque pore. Sous ses ordres, un groupe de quatre jeunes policières appartenant à un autre commissariat, qu’il connaît très très vaguement.

 — Toi, la grosse moche, tu res’ de planton dans l’couloir principal. TA GUEULE ! Tu fais c’que j’te commant’, point final ! Les aut’s, dans l’bureau avec moi !

 Ils s’enferment tous les cinq dans la pièce réservée au gardien-chef. D’un cabas bon à mettre aux ordures et qui fleure sec le coulage de fonds de bouteilles à bière, il sort des gobelets en plastique et une bouteille de whisky. Sous le regard ébahi des trois novices, il verse de larges rasades et distribue les gobelets à la ronde.

 — Santé, les poulettes ! SANTÉ ! Et on la ferme ! J’bosse direc’ avec la divisionnaire, mwâ… Primo, la dernière fois qu’Daisy-la-Dingue s’a échappée, elle a étranglé une gardienne avec le soutif à l’gardienne ! Alors, hop, les soutifs, interdits ! Allez, on enlève ! J’tiens pas à z’avoir une morte su’ m’conscience. EXÉCUTION !

 Rouges comme des écrevisses, les trois femmes lui tournent le dos et, essayant tant bien que mal de rester cachées aux regards vicieux de Maigros et de Poireau, elles se débarrassent de leurs soutiens-gorge.

 — Parfait ! Donnez-moi ça ici ! Confisqués jusqu’à nouvel ort’ ! Et maint’nant, cul sec ! Allez ! On vide son godet ! Bien ! Deuzio, toi, tu vas dire à l’grosse moche de faire comme vous et rapport’-moi sa paire de gros bonnets ! Allez, zou ! Donnez-moi vos verres !

 Maigros remplit à nouveau les gobelets. Son émissaire revient avec le sous-vêtement de la policière en faction dans le couloir.

 — Jarnidieu ! Je l’prendrais bien comme nouveau kertin1 ! Après tout, va la chercher. Y a pas d’raison qu’elle trinque pas avec nous-aut’ !

 Deux heures plus tard, les quatre matonnes malgré elles ont toutes roulé sous la table.

 — J’ai cru qu’on n’aurait jamais assez d’gnôle pour entasser la grosse moch’té ! Allez, Poireau, au boulot. Comme on a dit. J’m’en vais régler l’affaire avec l’aut’ dingote.

 Pendant qu’un Poireau aux mains baladeuses bâillonne et ligote les quatre femmes inconscientes, Maigros s’en va discuter avec Daisy-la-Dingue au travers du judas de sa cellule.

 — Tais ta gueule et écoute, Deltchole. J’en ai rien à cirer de d’voir te surveiller. Alors, j’vais t’faire sortir discrèt’ment, tu t’tailles fissa et tu t’arranges pour qu’on te r’verra pas d’si tôt. Pour le res’, j’m’en occupe. C’est jus’ que t’auras une évasion d’plus à ton palmarès. D’ac ?

 En dix minutes, Daisy Deltchole a réussi sa sixième cavale. Maigros revientCapture d¹écran 2011-08-28 à 15.22.50.jpg dans le bureau. Il bâillonne et entrave Poireau puis, prenant son courage à deux mains sales, il se cogne une bonne fois l’arrière du crâne contre l’arête métallique de la porte du local. Suffisamment pour s’entailler le cuir jadis chevelu mais pas assez pour tomber dans les pommes. À l’aide de son mouchoir éternellement crasseux, il essuie les traces sur l’huis et se couche au sol. Il ne lui reste plus qu’à patienter. La paix vaut bien trois points de suture et un léger mal de crâne.

1 kertin (wallon) : cabas

La saga Maigros - Cactus Inébranlable éditions - 15 € (+ port)

15/06/2011

Writers Serial Killer

xxxJ’ai commencé par trucider Amélie Nothomb. Comme je le pensais, ça n’a pas suffi. Alors j’ai euthanasié Michel Houellebecq. Sans plus de progrès. J’ai mis les bouchées triples : j’ai immolé Jim Harrison, incinéré Frédéric Beigbeder et massacré John Irving à la queue leu leu. Sans le moindre changement. Bien que découragé, j’ai décidé de persévérer. J’ai étranglé Éric-Emmanuel Schmitt, pendu Dan Brown, asphyxié J.K. Rowling, flingué Philippe Sollers, empoisonné Mary Higgins Clarck et fusillé Jean-Paul Dubois...

xxxAprès une pause de deux mois qui n’a rien changé à ma situation, je me suis à nouveau retroussé les manches pour égorger Jonathan Coe, saigner Stephen King, électrocuter Patricia Cornwell, noyer Marc Levy, empaler Fred Vargas, étriper Bret Easton Ellis, démolir Michael Connelly, éventrer J.M.G. Le Clézio, occire Douglas Kennedy, guillotiner Paulo Coelho, écarteler Alexandre Jardin, tronçonner Guillaume Musso et finalement lapider Philippe Labro (assez fatigante, cette dernière épreuve).

xxxEh bien, vous ne me croirez peut-être pas : malgré tout le mal que je me suis donné, je ne parviens toujours pas, bordel ! à entrer dans le top 50 des ventes de la Fnac avec mes propres livres !!!

15/01/2011

BLAISE-LE-BOUSEUX - LES 15 MORCEAUX

Pour celles et ceux que cela intéresserait, voici les 15 morceaux en un seul fichier.

100 % de REBELOTE ET DIX DE BOUSEUX

...C’est dimanche. La pluie a cessé au petit matin mais c’est trop tôt pour retourner aux champs. Après la messe, Le Rendez-vous des Paysans fait salle comble. On ne parle que de l’événement : la ferme des Grands Prés est partie en fumée.
...
« Et les pompiers ? Z’ont fait quoi ?
...
— Comment on pouvait savoir ? On la voit d’nulle part, la cense au Bouseux ! Et la nuit, tu dors pas, toi ? Tu trais en r’gardant les étoiles ?
...
— C’est Colin-Cochon qu’a vu d’la fumée au p’tit matin. »
...
L’intéressé, entendant son nom, quitte un groupe pour venir raconter son affaire à d’autres.
...
« Ouep ! J’partais voir mes bêtes en pâture – un muscadet, merci ! – quand qu’j’ai vu c’te colonne de fumée bizarre du côté d’chez l’Blaise. Quand que j’suis arrivé, toute la bicoque était cramée comme une tranche de lard oubliée sur le grill. Qué pitié ! J’ai app’lé les pompiers et la gendarmerie mais i’ avait p’us rin à faire, à part r’froidir les cendres. Z’ont trouvé deux corps dans l’cuisine mais j’pense pas qu’ça soit l’Blaise : son vieux Massey, l’était pas dans s’n’hangar là où qu’i’ l’remise toujours. Et qui qu’aurait volé un tas d’ferraille pareil ? Un antiquaire e-d’Paris ?
...
— Où qu’i s’rait, alors, le Bouseux ?
...
— Z’ont cherché dans la fosse à purin ? Ça s’rait b’en sa place, non ?
...
— Oh, Flavien ! Du respect pour les m… Enfin, merde, les gars ! L’est pas mort tant qu’on n’l’a pas r’touvé, l’Bouseux !
...
— L’avait son caractère mais, bon, c’t’un gars d’ici. Mauricette, r’mets une tournée ! Deux corps, tu dis, Cochon… Vous vous souv’nez, les deux pas d’ici qu’étaient au marché ?
...
— Pour ça ! Des gueules à boire d’la pisse de vache pour du muscadet !
...
— Oué, i’ cherchaient une pétasse qu’a logé quék’ nuits chez la Gervaise et p’is, qu’a disparu d’la circulation comme qu’elle était v’nue. Y a quelqu’un qui la connaissait ? »
...
Les douze coups de midi résonnent au clocher du bourg. La porte s’ouvre avec fracas. Benoît-le-Benêt entre en trompe dans le bistro.
...
« Flavien ! FLAVIEN-LA-FLATTE !
...
— Tu veux quoi, Benêt ?
...
— C’est l’Bouseux ! I’ m’a dit c’matin de t’donner ça à midi pétant, sinon qu’i’m’tuerait comme les deux autres… Une lettre…
...
— Putain ! »
...
Flavien prend l’enveloppe, la déchire, déplie la feuille et lit à haute voix dans la pièce où le silence s’est fait.
...
Sale flatte d’étrangé c’est toi qui m’a baisé en me prenen la Manon. sale por j’ai pu rin. pu kmoi et mon massey. mai pour toi aussi s’est fini. ta cense brule avec moi et mon tracteur dedan. je t’arachrez les couilles en nenfer. Blaise Ferronard
...
« Ohhhh ! Z’entendez ! C’est ’core les pompiers ! »

FIN

13/01/2011

REBELOTE ET DIX DE BOUSEUX

(52 % de) REBELOTE ET DIX DE BOUSEUX*

 Le morceau précédent est ici.

...C’est dimanche. La pluie a cessé au petit matin mais c’est trop tôt pour retourner aux champs. Après la messe, Le Rendez-vous des Paysans fait salle comble. On ne parle que de l’événement : la ferme des Grands Prés est partie en fumée.
...
« Et les pompiers ? Z’ont fait quoi ?
...
— Comment on pouvait savoir ? On la voit d’nulle part, la cense au Bouseux ! Et la nuit, tu dors pas, toi ? Tu trais en r’gardant les étoiles ?
...
— C’est Colin-Cochon qu’a vu d’la fumée au p’tit matin. »
...
L’intéressé, entendant son nom, quitte un groupe pour venir raconter son affaire à d’autres.
...
« Ouep ! J’partais voir mes bêtes en pâture – un muscadet, merci ! – quand qu’j’ai vu c’te colonne de fumée bizarre du côté d’chez l’Blaise. Quand que j’suis arrivé, toute la bicoque était cramée comme une tranche de lard oubliée sur le grill. Qué pitié ! J’ai app’lé les pompiers et la gendarmerie mais i’ avait p’us rin à faire, à part r’froidir les cendres. Z’ont trouvé deux corps dans l’cuisine mais j’pense pas qu’ça soit l’Blaise : son vieux Massey, l’était pas dans s’n’hangar là où qu’i’ l’remise toujours. Et qui qu’aurait volé un tas d’ferraille pareil ? Un antiquaire e-d’Paris ?
...
— Où qu’i s’rait, alors, le Bouseux ?
...
— Z’ont cherché dans la fosse à purin ? Ça s’rait b’en sa place, non ?
...
— Oh, Flavien ! Du respect pour les m… Enfin, merde, les ga

* Comme annoncé dans les commentaires du morceau 3, 14,52 morceaux. Soit, ici, 1321 signes sur un total de 2540...

09/01/2011

LE BÛCHER DES VA-NU-PIEDS

Le morceau précédent est ici.

...Blaise prépare méticuleusement trois verres d’absinthe sous l’œil malveillant d’un revolver gros calibre constamment dirigé vers sa poitrine.
...
« Vous permettez que j’m’en fasse un bien tassé, vu qu’c’est mon dernier ?
...
— Vas-y, paysan, prends-en une dose de cheval. Mais traîne plus trop, on n’a pas qu’ça à faire et il est déjà tard.
...
— Faut pas gâcher l’travail, qu’mon père i’ disait toujours. L’absinthe, c’est comme la messe : on sert pas ça n’importe comment… »
...
Le bouseux s’applique et finit par déposer un verre devant chacun de ses deux « invités ». Il se rassoit, la bouteille à côté de son verre.
...
« N’espère pas profiter d’un second, paysan.
...
— Bah, l’espoir fait vivre, nan ? À la vôtre… Bon, j’vais goûter vot’ cigare. »
...
Le Bouseux déballe délicatement le boulon et examine la bague.
...
« Vingt dioux ! Vingt-z-euros ! Ça rapporte, vot’ turbin !
...
— T’imagines pas, paysan ! Allez, magne-toi ! Y a Marco qui attend qu’on te saigne comme le pourceau qu’t’es, qu’on te démembre comme Ravaillac, qu’on t’passe à la moulinette comme dans Fargo et qu’on balance tes restes dans ton infâme fosse à purin. »
...
Blaise sort une boîte d’allumettes de la poche de sa salopette tachée de sang séché. Il en prend une et, en la craquant, renverse la bouteille d’absinthe dont le contenu se répand sur la table.
...
« Quand les cons iront à la pêche, tu s’ras responsable de l’épuisette, paysan ! »
...
Le Bouseux sourit très bêtement, jette l’allumette enflammée sur le liquide saturé d’alcool et plonge sur le côté. La table s’enflamme. Deux détonations éclatent. D’une ruade digne de la Brunette quand elle est de mauvais poil, Blaise renverse la table sur les deux trafiquants et plonge vers le cellier. Il attrape deux autres bouteilles d’absinthe qu’il balance dans la cuisine. La pièce s’embrase. Les malfrats hurlent. Le revolver crache à nouveau. Le bouseux claque la porte du cellier et pousse le verrou intérieur. Il soulève une trappe pratiquement invisible et, suivant un étroit tunnel qu’il parcourt à quatre pattes, se retrouve dans la buanderie. Sans reprendre haleine, il revient vers la porte de la cuisine et en coince le loquet avec une chaise. À l’intérieur, il entend des coups portés de plus en plus faiblement contre la porte du cellier. La chaleur s’intensifie. Il sort dans la cour, attend. Bientôt, les vitres éclatent et les contrevents s’embrasent. L’incendie gagne tout le corps de logis.
...
Le Bouseux crache par terre, se dirige vers la grange et démarre son vieux Massey Fergusson.

03/01/2011

BLAISE-LE-BAISÉ

Le morceau précédent est ici.

...La fumée des havanes embrume la cuisine d’un voile bleuâtre et odorant. Blaise termine de s’essuyer les mains.
...
« Tu veux un Cohiba, paysan ?
...
— Un coït bas ? Et quoi encore ?
...
— Un havane, paysan ! Tu l’as bien mérité.
...
— Mon blaze, c’est Blaise. Vous m’proposez l’cigare du condamné ?
...
— On n’peut rien t’cacher, paysan. Assieds-toi !
...
— Vous manquez pas d’air, tous les deux. Vous débarquez dans mon exploitation, vous dézinguez ma servante à coups d’tranchoir et d’pied-d’biche, vous m’forcez à la dépiauter et à faire disparaître les morceaux… J’vous ai rien d’mandé, moi ! J’étais peinard avec la Ginette…
...
— Ta Ginette, elle s’appelait Laurette, paysan.
...
— M’en fous. Qu’est-ce qu’elle vous a fait pour qu’vous lui fassiez un truc pareil ?
...
— Ta boniche, paysan, elle avait rien d’une boniche. Elle t’a pas dit pourquoi elle était en cavale ?
...
— Nan. On n’est pas curieux par ici.
...
— Laurette avait fait des études très poussées en chimie et depuis presque deux ans, elle travaillait dans notre labo.
...
— Où qu’il est l’mal ?
...
— T’es vraiment pas futé, paysan ! On peut bien te l’dire puisque… Tiens, v’là l’cigare du con… damné ! On fait pas dans l’médical ou dans les engrais, paysan. On fait dans la came, la dure. Héroïne et crack, si tu veux tout savoir. Et Laurette fabriquait ça comme un chef. Le problème, c’est qu’elle a commencé à avoir des états d’âme et, comme on voulait pas la lâcher vu qu’elle en savait trop, elle s’est fait la malle.
...
— Dites, avec le cigare, j’pourrais aussi avoir un dernier verre ? R’gardez, là, j’ai d’l’absinthe de contrebande, un vrai régal…
...
— D’accord, paysan. Prépare trois verres. Ça nous donnera du courage pour après ! Ahahah ! Et fais gaffe : on t’a à l’œil ! »
...
Blaise-le-Bouseux se lève pour prendre la bouteille, des verres et le matos ad hoc. Un dernier coup de gnôle, un dernier cigare… Il n’a pas encore dit son dernier mot.

12/12/2010

Extrait de BANLIEUE DE BABYLONE

10. Pêcher autre chose que des truites arc-en-ciel

Ce jour-là, Un-Grand-Chapeau-Noir-Sur-Un-Long-Visage a jeté son dévolu sur Prairie Wolf Creek pour une partie de pêche avec son grand ami Big Jim. Pour la petite histoire et les connaisseurs, ce dernier à choisi une mouche Royal Coachman Classic Streamer ($5.95 les trois). Un-Grand-Chapeau-Noir-Sur-Un-Long-Visage a préféré une Matuka Olive Grizzly ($5.85 les trois).

Après deux heures les cuisses dans l’eau, Big Jim a déjà cinq belles prises contre que dalle pour son bro. Un-Grand-Chapeau-Noir-Sur-Un-Long-Visage ne se décourage pas, il sait que c’est une question de patience, comme d’attendre le passage d’un corbeau dans une chambre au quatorzième étage d’un hôtel de Kyoto : il finit toujours par en passer un.

De fait, il a une touche. “It’s a big one, Jim! A really terribly big one!” lance-t-il au cuistot sur la berge. Pendant que son ami bataille, Big Jim continue à préparer le déjeuner.

Un petit gars plutôt anachronique arrive et lui demande s’il n’aurait pas vu passer sa sœur Ophélie qui se baignait en amont. Un-Grand-Chapeau-Noir-Sur-Un-Long-Visage lui crie d’attendre, qu’il essaye de la ramener, mais sa ligne casse et le petit gars plutôt anachronique continue son chemin, refusant l’invitation à déjeuner avec les deux pêcheurs.

[Un des quinze textes de mon Un-Grand-Chapeau-Noir-Sur-Un-Long-Visage, in Banlieue de Babylone.]

09/11/2010

IL PLEUT SUR LA BEAUCE

Le morceau précédent est ici.

...Depuis deux jours, il pleut sur la Beauce et Blaise-le-Bouseux s’en frotte les mains. Comme il ne peut pas aller aux champs, il a un peu de temps libre qu’il consacre à deux activités : écluser des canons ou des pressions au Rendez-vous des Paysans et, surtout, espionner la Ginette. Il bave d’envie de découvrir pourquoi deux types bizarres la recherchent. Mais… il ne trouve rien. Sa bonne bonne fait son travail consciencieusement et il a beau rentrer plusieurs fois par jour dans la maison avec ses bottes crottées, histoire de l’énerver, elle ne répond pas à ses provocations boueuses.
...
En fin de matinée, pendant qu’elle préparait le déjeuner, il a percé quelques trous aussi discrets que judicieusement placés dans le plancher du grenier au-dessus de sa chambrette. Grâce au double de la clef, il a pu aller ramasser les copeaux en bas et elle ne se doute de rien. Ce soir, elle le croira en vadrouille mais il sera là-haut, à la mater.
...
Après le dîner, le Bouseux dit à Ginette qu’il s’en va s’en jeter quelques-uns au bourg. Il laisse son tracteur à trois cents mètres de la ferme et revient en catimini s’installer dans le grenier. Un peu avant 21h, Ginette regagne sa chambre. Elle allume la soufflerie électrique, fait chauffer une casserole et un petit poêlon d’eau pour faire sa toilette et se préparer une tasse de thé. Dès qu’il fait assez chaud dans la pièce, elle enlève son tablier qu’elle jette dédaigneusement sur une chaise. Au grenier, si le plancher était en sapin plutôt qu’en chêne, il y aurait un trou de plus. Le Bouseux n’a jamais vu de dessous aussi affriolants et subit une érection aussi éléphantesque que douloureuse. Pendant que son thé infuse, Ginette commence sa toilette. Blaise craint pour son membre viril : il a peur qu’il n’éclate mais n’ose pas trop bouger pour ne pas révéler sa voyeurique présence. Son existence se réduit à un œil et un membre viril distendu.
...
Un terrible craquement le fait sursauter et retrouver tous ses sens. Ginette hurle. Blaise recolle un œil au plancher. Les deux quidams du marché sont dans la pièce. L’un d’eux tient un énorme pied-de-biche avec lequel il a fracturé la porte comme un malade. L’autre exhibe un tranchoir de boucher et un sécateur.
...
« Alors, Laurette, on a voulu nous doubler ?
...
— N… Non, non, bégaye la jeune femme. J’vais tout vous expliquer…
...
— C’est ça ! répond le balèze en faisant claquer les mâchoires de son sécateur. »
...
À l’étage, Blaise rampe le plus discrètement possible vers l’échelle. Il est aussi blanc que le lait de ses vaches. En bas, Ginette se remet à hurler.


(Plus que 2,52 morceaux à concocter pour en voir la fin !)

01/09/2010

MYTHO ?

...Approchant de Thèbes, Œdipe sortit de sa besace un paquet de papyrus et se mit à relire les milliers d’énigmes et leurs réponses qu’il avait consignées depuis des années, un oracle lui ayant prédit qu’il devrait un jour affronter Sphinx. Il était certain que la réponse à la question qu’allait lui poser l’horrible fils de Typhon et d’Echnida se trouvait dans ses notes.
...
Après plus de quatre heures de lecture, Œdipe se décida et parcourut au petit trot les quarante-deux kilomètres et cent quatre-vingt-quinze mètres qui le séparaient de l’antre de la bête-homme.
...
Même pas essoufflé – malgré un Chronos qui, s’il avait pu être homologué, serait à ce jour le dix-septième depuis son temps - il se planta fièrement devant le monstre et dit : « Pose ta question, Sphinx, je suis pressé ! »
...
Sphinx le toisa sans se démonter. Il lâcha – ô surprise – une sonore caisse.
...
« Moi aussi ! grogna le tératoïde en couvrant la déflagration d’une deuxième vesse. Voici l’énigme : on me trouve dans le désert, on doit (pffrrououout) mettre des gants avec moi et, surtout, je peux faire taire le sphincter de Sphinx. Que suis-je ? »
...
Étonné par la question, Œdipe lui demanda de rÉpéter. Ce que Sphinx fit (flêtflêtflêt) sans déjà faire.
...
« Euh...
...
— Mais encore ?
...
— Phh....
...
— Plus vite !
...
— Ben... »
...
Gnapscrunchscrunch. Sphinx dévora le jeune homme, nous privant à tout jamais d’un complexe et, malheureusement, d’un remède contre la flatulence inopinée.
...Quant à Jocaste... Mais c’est une tout autre histoire.

18/08/2010

AU MARCHÉ DU BOURG

Le morceau précédent est ici.

...C’est jour de marché. Quand Ginette arrive dans la cuisine pour y préparer le café et le petit déjeuner, elle découvre cinq poulets fraîchement décapités sur la table. Au-dessus de l’évier, trois lapins sont pendus par leurs pattes postérieures. D’une de leurs orbites énuclées, le sang plic-plique lentement. Le Bouseux entre, portant un seau rempli d’eau fumante duquel dépasse le cou d’un sixième gallinacé.
...« Regarde, dit-il à sa servante sans même la saluer, tu le laisses trois minutes dans l’eau bien chaude, pas bouillante ou tu cuis déjà la bestiole, puis tu arraches les plumes, comme ça. » Joignant le geste à la parole, en deux minutes, le paysan a plumé un premier poulet dont le plumage jonche le carrelage de la pièce. « Continue. J’m’occupe des lapins, on déjeunera après. »

...Un peu avant huit heures, Blaise débouche sur la place du bourg au volant de son antique tracteur. Quelques échoppes sont déjà dressées, d’autres en cours d’installation. Avec colère, il découvre que son emplacement habituel, juste devant le bien nommé Café de la Place, est occupé par un étal inconnu qui propose bijoux, sacs à main et autres foulards artisanaux. Il pile à vingt centimètres de l’échoppe et hurle au jeune chevelu qui vient de faire un bond en arrière : « T’as deux minutes pour déguerpir avec tes saletés ou j’défonce tout ! »

...Sur le coup d’onze heures, le Bouseux se frotte mentalement les mains – impossible de le faire physiquement car il tient un huitième ballon de blanc dans la dextre et se touche discrètement de la senestre. Devant lui ne reste qu’un poulet entouré de quelques légumes. La matinée a été bonne. Il exhibe un sourire béat à deux inconnus qui s’approchent de lui, leurs regards cachés derrière des verres miroirs comme on n’en trouve plus que dans les mauvais romans.
...« Bonjour, monsieur.
...— …
...— À tout hasard, auriez-vous vu cette jeune femme dans les environs ? »
...— Z’êtes de la police ?
...— Non. C’est une amie qui nous a donné rendez-vous ici mais elle est partie il y a quelques jours sans laisser d’adresse.
...— Nan, j’l’ai jamais vue dans l’coin.
...— Merci. »
...Intrigué, le Bouseux regarde les deux inconnus faire le tour de la place en montrant la photo. Il connaît les gens du coin, il sait qu’ils ne leur diront rien. Une demi-heure plus tard, son dernier poulet vendu et son dixième blanc avalé, il repart vers les Grands Prés. Il a toujours le sourire aux lèvres. Un genre de rictus.

14/08/2010

NUIT CLAIRE

Le morceau précédent est ici.

...C’est pleine lune, celle qui rend les doux dingues complètement cinglés.
...
Dans son lit, Blaise-le-Bouseux se retourne, grommelle et ressasse, preuve qu’il est capable de faire trois choses en même temps, ce qui n’est pas donné à tout le monde. « La souillon ! Elle a réussi à m’faire payer les trois quarts de ses achats ! C’est pas possible ! Elle a mis l’diable en moi !... J’vois encore sa tête quand j’ai lu l’ticket d’la boutique de lingerie : soutien-gorge machin, soutien gorge bazar, string bidule, string truc, tanga chose… Si tu m’montres qu’i’ t’vont bien, j’te les paie aussi !... L’a pas osé, la poufiasse… C’est pas tout ça, d’main, c’est marché. Faut que j’prépare des poulets et deux, trois lapins. J’vais lui apprendre à plumer, même si elle sait déjà s’y prendre avec moi. Ça m’f’ra gagner du temps. L’a mis l’diable en moi, la garce…»
...
Dans sa pièce de deux mètres cinquante de large sur cinq de long, Ginette ne trouve pas non plus le sommeil. Pourtant, elle est bien fatiguée. Ces deux derniers jours, elle a mis le turbo pour les tâches ménagères et fermières afin de disposer de quelques heures pour aménager correctement sa chambre. Elle a repeint la pièce brunâtre : le plafond en blanc et les murs en rose pâle. Elle a déplacé contre le mur du fond le lit que le Bouseux avait monté près de la porte. Elle a posé deux verrous à l’huis en plus de la serrure qui ferme à l’aide d’une grosse clef : elle soupçonne son patron d’en posséder un double. Elle a repeint la table et les deux chaises. (« Pourquoi i’ m’a mis deux chaises ? I’ croit que j’vais l’inviter pour le thé ? ») Elle a garni la petite fenêtre d’une épaisse tenture pour annihiler toute tentative de voyeurisme dans le chef du paysan. Elle a arrêté à près de vingt-trois heures. Elle est liquidée et pourtant, le sommeil réparateur ne vient pas.
...
Soudain, elle entend un bruit étrange, comme un hurlement de loup. « Non, c’est pas possible ! Y a plus de loups en Creuse depuis des dizaines d’années ! » Elle allume sa lampe de chevet et va vérifier que les verrous sont bien poussés. Le cri de bête blessée retentit une nouvelle fois. Elle n’ose pas écarter la tenture pour regarder dehors. Elle retourne se pelotonner sur son lit, aux aguets, le regard rivé à la porte.
...
Si elle avait jeté un coup d’œil par la fenêtre, elle aurait pu voir le Bouseux, dans le plus simple appareil hormis ses bottes en caoutchouc, s’approcher furtivement de sa chambre et, tout obscénité, en serrant les mâchoires pour ne pas hurler une troisième fois, asperger de sa semence le bois protecteur. Son père lui a toujours dit que, comme les grands mâles, il devait marquer son territoire.
...
Il est près de trois heures quand Morphée remarque la tenue légère de Ginette et se décide enfin à la prendre dans ses bras.

25/07/2010

LE GUINNESS BOOK DES MALTRAITANCES SEXUELLES

Le morceau précédent est ici.

...Blaise-le-Bouseux n’en mène pas large. Il en mènerait plutôt très étroit. Il aimerait rentrer le plus vite possible aux Grands Prés. Ce matin, pendant la traite, il n’a plus pu tenir. Le spectacle des cuisses haut découvertes de Ginette lui a fait bouillir les sangs. Quand elle est partie dans la laiterie qui jouxte l’étable pour aller vider son premier seau de lait, il en a profité : quand elle est revenue, il lui a sauté dessus, lui a ouvert son tablier d’un geste sauvage, envoyant valser tous les boutons, et s’est tout soudain retrouvé avec une torsion du scrotum digne du Guinness book des maltraitances sexuelles.
...
« Z’allez arrêter vos sales manières, m’sieur Feronnard qui rime avec connard… Et salopard… C’est pas vraiment un plaisir d’travailler pour vous mais j’ai b’soin d’ce boulot à l’écart… C’matin, après votre bain d’merde, vous m’avez vomi dessus avant de m’faire un coma éthylique. J’vous ai nettoyé d’la tête aux pieds et, pour me r’mercier, vous essayez de m’violer… Je mens, là ?
...
— N… Non ! Mais arrête ! Ouille ! Ça fait un mal de chien ! Lâche-moi !
...
— Pas encore… On va mettre les choses au point : un, vos bestiaux, vous allez vous les traire vous-même. Deux, vous allez terminer dare-dare de préparer ma chambre. Trois, vous allez m’emmener faire quelques courses que j’aie un peu plus de confort. Et quatre, si vous posez encore une de vos sales pattes rugueuses sur moi, vous pourrez aller à la pêche aux valseuses dans votre fosse à purin. C’est compris, m’sieur Feronnard ?... Compris ?
...
— Aïe ! Oui, Ginette, compris ! Juré, j’te foutrai la paix ! »
...
Elle a rendu leur liberté à ses parties dites nobles et s’en est retournée à grandes enjambées vers la maison, les pans de son tablier flottant au vent. Malgré son bas-ventre douloureux, Blaise s’est empressé de terminer sa besogne et de finir de déblayer la chambre du valet, de faire fonctionner l’antique suspension à ampoule unique et la pompe à bras quelque peu grippée. Il a monté un vieux lit métallique sur lequel il a posé une paillasse sans âge puis, sans même prendre le temps de manger, il a accroché l’antique char à bancs à son Massey Ferguson et a appelé Ginette. Elle a jeté un coup d’œil dans la pièce, a fait la moue. Elle a exigé d’aller non pas au bourg mais en ville.
...
Maintenant, garé en double file, essuyant les quolibets des automobilistes et des passants, le Bouseux l’attend devant un huitième magasin. Derrière lui sont déjà entassés pêle-mêle un WC chimique, un petit réchaud à gaz, un matelas neuf, une lampe de chevet, un aspirateur, du matériel et des pots de peinture et divers sacs qui contiennent il ne sait quoi. Intérieurement, il écume comme une soupe au cerfeuil qui a trop chauffé. « Si elle croit que j’vais lui rembourser tout ça, elle se fourre le doigt où j’pense ! » À jeun depuis près de vingt-quatre heures, il crève la dalle comme un marteau-piqueur en folie, ce qui n’arrange rien à son humeur. Et le besoin d’un verre d’absinthe commence à se faire douloureusement sentir. Indécrottable, le Bouseux, malgré les efforts matinaux de sa boniche.

19/07/2010

GINETTE AUX TÉTINS

Le morceau précédent est ici.

...Blaise-le-Bouseux, s’il avait un semblant de culture autre qu’agricole, pourrait se croire au milieu de la Tamise un jour de plein smog. Ce n’est pas le cas. Avant d’ouvrir les yeux, il sait qu’il est dans son étable avec les vaches qui meuglent comme des folles. À rendre jalouses des vuvuzelas mais il ignore ce que ce mot signifie. Il ouvre un œil, puis l’autre. Il gît sur une litière de paille fraîche. Il a été récuré et porte un caleçon propre. À portée de main, des vêtements repassés, des chaussettes, une paire de bottes. Il se rappelle les événements de la veille et du matin. Dans sa soûlographie, il n’a pas pu effectuer la traite matinale. D’un bond, il est sur pieds. Ça cogne un peu sous son crâne, comme si une locomotive silicosée en traversait le tréfonds, mais c’est supportable. Il s’habille en vitesse et, de la porte, se met à hurler.
...
« Ginette ! Gîîîînèèèèteuuuuuuu ! »
...
La boniche apparaît sur le seuil de la maison.
...
« Viens ici ! Immédiatement ! »
...
La jeune femme traverse la cour au petit trop. Dans l’étable, le Bouseux est déjà occupé à traire la première vache de la file qui en compte une douzaine.
...
« Qu’est-ce qu’elles ont à gueuler comme ça ?
...
— Z’ont mal au pis. Faut qu’tu m’aides pour la traite. On peut pas les laisser souffrir comme ça.
...
— Mais j’ai jamais fait ça !
...
— Pas difficile. Regarde : tu prends les tétins au ras du pis, tu serres un p’tit peu et tu descends. Puis tu passes aux deux autres. »
...
Des giclées blanches pssssitent dans le seau que Blaise serre entre ses genoux.
...
« Toujours bien tenir le seau sinon, un coup d’patte et c’est foutu. Prends-en un. Y a une autre sellote là. Au boulot ! Dès qu’c’est fini, j’termine ta chambre. »
...
Ginette s’exécute et s’éloigne vers la dernière vache de la stabulation.
...
« Nan ! Faut les faire dans l’ordre ! »
...
Ginette revient se placer entre le premier et le deuxième bovidé, tournant le dos à son patron. Elle s’assied sur le tabouret très bas. En écartant les cuisses pour y caler le seau, le dernier bouton de son tablier, trop collant pour ce genre d’exercice, saute. Elle essaye tant bien que mal de faire tenir les pans de son vêtement entre ses genoux et le seau. Pas évident. Gênée, elle s’efforce de ne pas rougir. Blaise ignore que ses dessous sont en train de sécher et qu’elle porte son tablier à même la peau. Elle commence son apprentissage. « Pourvu qu’il finisse ma chambre aujourd’hui. Ça me rappellera ma studette durant mes années à la Sorbonne… Faire une maîtrise en chimie pour en arriver à traire une vache avec un paysan lubrique dans le dos… J’aurais pas dû me laisser aller à faire toutes ces conneries… »
...
De son côté, le Bouseux fait le forcing. Dès qu’il en aura terminé avec la Brunette, il passera à la Juliette mais s’installera face à la Ginette, histoire de mater ses cuisses qu’il devine bien découvertes. Sa gueule de bois n’est plus qu’un mauvais souvenir. « Quand j’pense qu’elle m’a vu à poil, la garce ! » Dans son pantalon, la dilation a repris, signe qu’il est totalement rétabli.

16/07/2010

BLAISE L'EMBOUSÉ

Le morceau précédent est ici.

Pour co, Éric, Marc et John.

...En pédalant vers les Grands Prés, Ginette a le sourire aux lèvres. Le patron n’a pas arnaqué : il a commencé avec fièvre à lui préparer le palais dont elle sera la princesse. Un nid petit mais très douillet. Elle en tournerait poétesse. Heureusement, elle n’en a ni le temps ni les capacités.
...
Elle appuie son vélo conte le mur près de la porte grande ouverte. « Bravo, le Bouseux ! Va encore y avoir une chiée de mouches dans la casbah ! » marmonne-t-elle ». En entrant, elle remarque des traînées brunes sur les marches et sur le pavement du corridor. L’endroit ne sent vraiment pas la rose. Elles conduisent à la cuisine dont la porte bée également. Là, Ginette découvre Blaise-le-Bouseux dans toute sa splendeur : avachi sur une chaise, le buste reposant sur la toile cirée de la grande table, il est brunâtre de la tête aux pieds et répand une odeur pestilentielle. Devant lui, un verre et une de ses bouteilles d’absinthe de contrebande presque vide. Se bouchant les narines d’une main, elle ouvre les deux fenêtres de la pièce de l’autre. D’un index répugné, elle appuie sur le bras de son patron.
...
« M’sieur Feronnard ? M’sieur Feronnard !
...
— Sale raclure… de siphon d’bidet… d’fils de pute… d’enculé au sel… »
...
Il n’a pas bougé, n’a pas ouvert les yeux. Seules ses lèvres ont remué. Ginette décide d’employer les grands moyens. Elle gagne la buanderie. Elle enlève son jeans et son chemisier, passe son tablier de travail et enfile ses gants de ménage. Elle revient vers le Bouseux avec un seau d’eau qu’elle lui verse sur la tête. Sous l’effet de la douche glacée, le remuglant ivrogne se lève, titube, se  retient au plan de travail.
...
«  Le déchet d’pourriture… de matrice… de salopard… de fausse couche de truie !
...
— Qu’est-ce qui s’est passé, m’sieur Feronnard ?
...
— C’est Flavien-la-Flatte ! Sont arrivés à trois… Cagoulés… En début d’soirée. Z’ont pas dit un mot… I’ m’ont attrapé et m’ont flanqué… dans la fosse à purin…
...
— Wow ! Vous avez r’connu quelqu’un malgré les cagoules ?
...
— Flavien-la-Flatte ! J’suis certain qu’c’est lui. À cause du pneu d’son John Deere !
...
— Bon, ben, c’est pas tout ça. Z’avez un tuyau d’arrosage ?
...
— Dans l’étable.
...
— Prenez l’seau, mettez vos vêtements d’dans et passez-vous un bon coup d’tuyau. J’m’occupe du reste. Et faudrait penser à terminer ma chambrette.
...
— Putain d’gueule de bois !
...
— R’prenez une rasade, ça va vous r’lancer. »
...Blaise attrape la bouteille et boit au goulot. L’effet produit n’est pas celui attendu : une immonde gerbe lui remonte de l’estomac et va asperger Ginette de haut en bas. Le Bouseux s’écroule dans ses épanchements. Ginette éclate en sanglots.

19/06/2010

L'OFFRE DU BOUSEUX

Le morceau précédent est ici.

...— Du vin !
...— Oui, m’sieur Feronnard.
...Blaise-le-Bouseux râle comme un pet qui ne parvient pas à glisser sur une toile cirée. Depuis son rêve érotique quelques nuits plus tôt, il ne se sent pas très en forme. Ou plutôt, trop en forme au niveau du bas-ventre : il a constamment d’énormes érections qui le gênent dans son travail. Rester assis sur la sellote avec un membre boursouflé est au-dessus de ses forces : il doit interrompre la traite pour se soulager. Idem pour conduire son Massey Fergusson. Là, c’est plus difficile de s’apaiser. Flavien-la-Flatte a éclaté de rire quand il l’a croisé hier, pratiquement debout au volant. Et l’avant-veille, c’est Benoît-le-Benêt, le valet de la Ferme à Mouches, qui a failli le surprendre en train de se faire reluire derrière une haie.
...— Ginette, ça fait une semaine qu’t’es là et j’trouve qu’tu t’débrouilles pas trop mal.
...— Merci, m’sieur Feronnard.
...— J’pense que j’vais t’garder, mais à une condition. L’matin, quand j’me lève, j’aime bien avoir mon kawa qu’est prêt et mon p’tit déj’ itou. Alors, j’te propose ça : tu viens habiter ici et j’te paye vingt-cinq euros par jour, sept jours sur sept.
...— Mais…
...— Te tracasse pas, t’auras la chambre qu’on donnait au valet, ent' l’étable et la ran d’cochons. L’est plus utilisée pour habiter d’puis une vingtaine d’années mais j’peux la vider et la r’mettre en état en deux jours. Y a l’électricité et un robinet. Qu’est-ce t’en penses ?
...Ginette réfléchit rapidement. C’est vrai qu’en venant habiter ici, elle ferait l’économie d’une chambre au bourg. Elle serait aussi sans doute plus à l’abri à la ferme qu’au village. Ce qui la tracasse, c’est la protubérance quasi permanente qui, depuis deux jours, bouffit le devant du pantalon de Blaise au niveau de la braguette. Et rien que de penser à ce qui se tapit derrière le tissu, une espèce de murène gluante qui ne doit pas souvent être en contact avec l’eau, elle en frissonne et ses entrailles se nouent. D’un autre côté, elle se sent assez costaude pour repousser un éventuel assaut de l’érotomane.
...— D’accord, m’sieur Feronnard. Mais j’veux une chambre nickel, avec une porte qui ferme à clef.
...— T’auras ça, Ginette, t’auras ça. Allez, on trinque ? Sans haine ?

18/06/2010

UN PETiT PLUS CONCERNANT LA JOCONDE

Petit plus.gifTout le monde connaît le sourire de Mona Lisa. Mais qui sait la plénitude de ses seins ? Qui sait la fermeté & la longueur de ses cuisses ? Qui sait la douceur & la profondeur de... Du calme, les gars ! Juste son pied-bot vaut le détour !

Illustration de Pierre Tréfois

Extrait de Prises de vies en noir et noir - Éd. Gros Textes, 2009.
Disponible chez l'éditeur (ici et ) et chez moi. Au choix.

12/06/2010

EXAUCÉ !

Il la prit dans ses bras et dit : "Je voudrais que cet instant soit un éternel recommencement !" Il la prit dans ses bras et dit : "Je voudrais que cet instant soit un éternel recommencement !" Il la prit dans ses bras et dit : "Je voudrais que cet instant soit un éternel recommencement !" Il la prit dans ses bras et dit : "Je voudrais que cet instant soit un éternel recommencement !"

(La version intégrale, en recherche d'édition, compte 256 pages.)

14/05/2010

LE PUITS

Il tombait dans un puits sans fond aux parois formées d'écrans de télévision. De temps en temps, sa chute s'arrêtait, comme si la gravitation cessait d'exister. Fébrilement, il enfonçait un bouton et avait droit à une pub stupide, une téléréalité débile, un talk-show crétinisant, un clip idiot, un film pour demeurés. Après une minute, il repartait vers le bas et tout recommençait, indéfiniment. Il subissait le supplice du téléspectateur lambda.

05/05/2010

LE BEURRE

....« Je suis prêt, chérie. Je t'attends...
....
- Euh... Mon amour... Je suis vraiment désolée, mais... Euh...
....
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
....
- Euh... Il n'y a plus de beurre... »
....
Il lui balança ses cinq doigts dans la figure et lui désigna la porte d'un index tremblant de colère.
....
Tout en essuyant ses larmes et en se frottant la joue, elle courut jusqu'à l'épicerie. Sa mère l'avait pourtant prévenue : on n'épouse pas impunément le sosie de Marlon Brando.

Extrait de Courts, toujours ! (recueil inédit)

03/05/2010

L'ASSOCIATION

....La Fourmi-Savante eut un jour l'idée de faire se rencontrer le spermatozoïde et l'ovule d'origine humaine, découverts jadis par un groupe de Fourmis-Exploratrices dans les ruines de la surface et conservés précieusement dans le laboratoire de la fourmilière.
....
Quatre mois durant, la Fourmi-Savante supervisa le déroulement de l'expérience sans discontinuer. Puis elle décida de tout arrêter : elle avait pressenti que le résultat de cette association ne pourrait être que néfaste pour l'existence de la planète.

Extrait de Courts, toujours ! (recueil inédit)

01/05/2010

ONIRISME

J'AI REVÉ UNE île d'étoiles dans un océan putréfactif. Un arbre de glace chatoyante et vaporeuse au coeur d'un désert tourbillonnant de feuilles crevées. Des rats pourrissant au périnée de jeunes et superbes vierges.

Cauchemardesque.

J'ai rêvé des femmes nues magnifiques vénusales aux damnatoires seins suintant des asticots. Des fleurs de pierres aux cristaux intouchables qui déchirent comme des hurlements d'enfants écartelés. Des chiens d'onyx aux griffes de ténèbres aux yeux de nuit aux mâchoires de sang.

Atroce. Atroce.

J'ai rêvé des chimies occultes et des physiques excommunicatoires susceptibles de thaumaturger des instants moins insupportables. Des vautours meilleurs que les hommes,   des   chacals   meilleurs  que  les vautours. Des musiques imbibées de lumières, souillées de mots borgnes, enivrées de vapeurs irrespirables.

Infectieux. Infectieux. Infectieux.

Non, je n'ai pas rêvé que cela!
Non, je n'ai pas que ça à faire.

Non, ma vie ne s'en trouva pas changée.

Et la vôtre?

Extrait de Prose à hic, Éditions Gros Textes, 2001 (épuisé)

25/04/2010

JIVAROSSERIES (2)

COUVERTURE JIV 1.jpgQuatre des 150 contes brefs de Jivarosseries (Éd. Memor, 2004 - Disponible chez moi)

RETOUR DE FLAMME
.....
Grand spécialiste de la petite phrase assassine, il n'eut pas le temps de coucher sur papier celle qui tuait vraiment.

CULTURE G.S.M. (IV)
.....
Avec son premier G.S.M., il appelait le second qu'il avait en poche. Il répondait et avait ainsi l'impression de se parler à lui-même, expérience toujours surprenante car il n'avait aucune conscience.

CULTURE INTERNET (IV)
.....
Par curiosité, il tapa RETNE. Puis enfonça la touche ENTER. L'imprimante disparut, la tour se changea en encrier, le clavier en plume d'oie et le moniteur en parchemin auquel la souris s'attaqua illico.

LES PIEDS
.....
Sous les couvertures, ses pieds étaient glacés au point de lui faire souffrir le martyre. Impossible de les réchauffer. Il avait l'impression que le froid remontait lentement le long de ses jambes. Quand il voulut se lever pour aller chercher des chaussons, il se rendit compte qu'il était mort.