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29/03/2010

DÉFAUT DE FABRICATION ?

Miroir.jpgPour la dixième fois au moins, l'homme invisible retourna chez le fabricant, furax : malgré toutes les garanties que l'artisan lui avait données, il ne parvenait toujours pas à se voir dans le miroir.

25/03/2010

L'ACCIDENT

Lors d'un show télévisé retransmis en direct, l'hypnotiseur venait d'endormir un huitième volontaire lorsqu'il s'écroula, foudroyé par une crise cardiaque. Malgré la mise en œuvre de toutes ses connaissances, la Science fut incapable de jamais réveiller les huit dormeurs.

19/03/2010

PSEUDONYMES

...Ses premiers pseudos avaient été Sibylline et Sibyllin. Ille ne savait plus dans quel ordre.
...À la recherche d'un emploi, quoique en attente d'un boulot eut été plus correct, ille tuait le temps en squattant le web dix-huit heures sur vingt-quatre. Ille intervenait à tort et à travers sur des dizaines de www, qu'il s'agisse de blogs, de forums, de pages personnelles avec livre d'or, des sites de création... Ille s'amusait à déposer ses grains de sel partout, jusque dans les discussions sur les régimes amaigrissants.
...Ille avait très vite compris l'avantage de ces pseudonymes qui lui permettaient de dire les pires stupidités, de lâcher les plus grasses méchancetés, de poster les plus infâmes injures sous le bienveillant couvert de l'anonymat. Ille n'hésitait même pas à se répondre, ses autocommentaires étant toujours très positifs, bien entendu, puisqu'ille se trouvait génial(e).
...Selon l'endroit où ille sévissait, ille s'appelait Jimmydeuxcoups, tortillasuzanne, étherauclit, Bonnebourre, Pandanlanus, tousdescons, féchié, Blondauzieuver, niquetalopette, Carlaterreur, bitennynox... Ille les avait multipliés à foison, en consignant le relevé précis dans un carnet ainsi que les www où ille les employait.
...Quand ille se présenta à un interview pour un emploi dans ses cordes, l'examinateur commença tout bonnement par lui demander son nom.
...« Jvouzenmerd.
...- Pardon ?
...- Euh... Valavétachatte... Non, tutchitsu... Attendez...
...Ille se tâta les poches. Pas de portefeuille. Pas de carte d'identité pour savoir comment ille s'appelait réellement. Ille n'avait sous la main que son cher carnet à pseudos.

17/03/2010

L'EAU DE VIL

Robinet.jpgElle rentra du jardin, ouvrit le robinet, prit le savon et plaça ses mains sous le filet d'eau. Elle les retira aussi vite en hurlant, abandonnant quatre doigts au fond de l'évier. Cet après-midi-là, un fontainier farceur s'amusait à distribuer de l'acide sulfurique.

15/03/2010

CULTURE G.S.M. (XVI)

Comme il l'avait toujours craint, il se réveilla dans son cercueil. Tâtonnant, il trouva son G.S.M. qu'il avait demandé à emporter avec lui. Hourra ! La batterie était toujours en état ! Il établit fébrilement la connexion vers le portable de son épouse. Une voix machinale se fit entendre : « Comme annoncé précédemment, pour mieux vous servir, notre réseau est en cours de réorganisation. Les appels seront de nouveau possibles dans... deux--heures--vingt--trois--minutes. Merci de votre patience. » Il essaya de moins respirer.

[Les CULTURE G.S.M. (I) à (XV) sont dans Jivarosseries.]

03/03/2010

FIN DES FINS

...Viens ici, allez, amène-toi, ose un peu, que je t'apocalypse avant saint Jean, que je t'autopsie avant Vésale, que je te moribonde avant la tombe, que je te macchabête, que je t'étripandouille, que je t'armageddonne, que je te destructionne avant l'un ou l'autre despotinet, que je te rebute avant le passage des encombrants, que je te poubellincinère, que je te crucinfectionne, que je t'horrible, que je te saëlle avant la pluie, que je te bûchère sans même t'inquisitionner, allez, viens, ose, mais approche-toi donc, mon fanatisme, je t'attends de pied ferme !

Extrait de Prose à hic
(Pré-textes de Jean Claude Bologne - Illustrations de Béatrice Gaudy)
Éd. Gros Textes, 2001
Épuisé

25/02/2010

PEUT MIEUX FAIRE

Vu ses récents progrès, l’homme invisible est fier de lui : ce matin, il ne s’est coupé que quatre fois en se rasant.

 

Rasoir.jpg

20/01/2010

CHIENNE DE VIE

...« J'en ai ras le cul de cette merde de vie ! Pas possible ! Je bosse, je bosse, je bosse et j'en ramasse plein la tronche. Je turbine dans des conditions insalubres. Huit, dix, douze heures par jour ! Confinée dans un local resserré, sombre, avec des courants d'air gras et inattendus qui arrivent de la cave. Heureusement que je suis en bonne santé malgré ma frêle apparence qui pourrait me faire passer pour une anorexique, ce que je ne suis pas. Et puis, il y a ces odeurs, écoeurantes, collantes. L'horreur !
...
Après le boulot, le bain. Qui dure, dure à m'en faire tourner la tête. Et quand le temps le permet, un bon petit coup de grand air pour me sécher. Suivent quelques heures de repos. Trop courtes. On me réveille et c'est reparti pour un tour.
...
Saloperie de métier ! À risques, en plus ! Toujours sur le qui-vive ! Tendue à l'extrême ! Dernièrement, si je n'avais pas eu un réflexe vitesse lumière, je me ramassais de plein fouet une énorme poutre venue je ne sais d'où ! Je n'ai aucune protection : pas de casque, pas de masque pour la respiration, pas de lunettes, rien de rien.
...
Le comble : il n'y a pas de règlement du travail là où je bosse. Je n'ai même pas de contrat ! Et pas de syndicat, d'après le peu que j'en sais. Quelqu'un pourrait-il avoir la gentillesse de contacter la FGTB* pour moi et me faire savoir si on peut m'aider à me sortir de ma condition de travailleuse au brun ? Je m'appelle Ficelle Destring et, vous le sentez, je vais bientôt craquer... HELP ! »

* Équivalent belge de la CGT.

Extrait de Impures fictions
(recueil en préparation)

16/01/2010

CERCLE SALACE

...La Guerre Totale - la plus longue et la plus meurtrière que l'humain ait connue - se termina enfin. L'armistice fut signé. Dans les neuf camps hier encore ennemis, les survivants se demandèrent ce qu'ils allaient bien pouvoir faire avec les armes et munitions restantes. Et ils trouvèrent très vite.

05/01/2010

POSTHUME À JOLI-CŒUR

Petite prise de tête d'une mère en colère.

Je te pichatte l'enculoppe, je te pourrifie, je t'encrotasse, je t'hyperinfâme, je te haine, je te monstrue dans la roujouate, je t'acrathème, je te williamsaurise et te chekspire, je te gromotte, je te cancrelasse, je te jeumasse, je t'hémastiche le glind, je t'ensoue, je te tipp-exècre même si juju t'abhdorait, je te vomycose, je te crachatousse, je t'abjecte votre honneur, je te croutèle, je te cul-klux-klhante, je te triguloutte, je t'écraspique, je te diarrhèque, tout cela en caractères gras.

(s)Lady Capulet

Extrait de Prose à hic
(Pré-textes de Jean Claude Bologne)
Éd. Gros Textes, 2001
Épuisé

04/01/2010

UN MYTHE À LA POUBELLE

...Après des siècles d'effort, Sisyphe parvint enfin à faire basculer son rocher de l'autre côté de la colline. Avec toutes les conséquences que les philosophes n'auront pas le temps d'analyser.

Magritte - Rocher.jpg

 

28/12/2009

CACHE-CACHE

...Lorsque la mort arriva, il se mit à râler (de colère) :
...- C'est pas possible! C'est pas du jeu! On ne débarque pas comme ça chez les gens! On ne peut même pas se défendre!! Ah non!!! Pas d'accord!!!!
...- Et que me proposez-vous ?
...- Si on faisait ça à cache-cache ? Vous vous y collez, je me planque quelque part et, quand vous me trouvez, vous m'embarquez.
...- .................D'accord. Je compte jusque combien ?
...- Disons... jusque l'∞ ?
...- Sans problème, je ne suis pas pressée.
...Le temps de déléguer ses sbires pour ne pas accumuler trop de retard sur son programme, la mort s'y colla.

...Il partit gentiment s'installer dans un autre coin du pays. Depuis quelques lustres, le bruit court qu'il commence à s'ennuyer.

Extrait de Élagage max...
Éditions Memor, 2001.

Introuvable... Sauf chez moi.

25/12/2009

CADEAU EMPOISONNÉ

...Dans sa grande mansuétude et comme cadeau de Noël, le tout nouveau souverain pontife Conon II autorise exceptionnellement le clergé à s’envoyer en l’air le jour de l’Ascension en 2010. En imposant toutefois une petite limite : uniquement avec des femmes, majeures et consentantes. Restriction papale qui refroidit beaucoup les ardeurs du clergé.

18/12/2009

UNE VICTIME DE L'HYGIÈNE

...On déshabilla le clochard, on lui donna un gant de toilette et un savon et on le poussa sous la douche en lui recommandant de bien frotter partout. Sans aucune expérience, il commença par les parties les plus sales : le derrière, le sexe, les pieds... Il regagna la rue rasé de frais, propre comme un sou neuf, habillé de vêtements sortant de la blanchisserie.
...Quelques heures plus tard, il se découvrait des hémorroïdes dans les oreilles, des morpions aux aisselles et des verrues partout sur le corps.

16/12/2009

IL FALLAIT Y PENSER

...Il comprit qu'il y avait de l'eau dans le gaz, ce qui ne l'arrangeait pas du tout. En catimini, il ajouta une dose de pastis. Le mariage se fit instantanément. Le gaz, comprenant qu'à deux contre un la partie était vaine, s'échappa. Sans le moindre remord pour les conséquences désastreuses sur l'effet de serre.

13/12/2009

DÉVEINE

...Il avait attendu ce courrier avec une impatience considérable. Pourtant, lorsque la lettre arriva, il n'osa l'ouvrir. Il la déposa sur la vieille table basse du salon et attendit que l'antique coucou de la Forêt Noire, rapporté lors de l'un de ses nombreux périples, ait laissé son petit oiseau prendre l'air plus de cent cinquante fois avant de se décider.
...
Durant ces vingt-quatre heures de procrastination, il passa en revue une incroyable série de beuveries que sa mémoire d'éléphant avait enregistrées dans leurs moindres détails. Il remonta une vingtaine d'années en arrière - exceptionnelle, sa quantité de souvenirs ! - et, non, vraiment, il ne voyait pas comment il aurait pu... Il avait toujours pris toutes les précautions possibles, s'était abstenu de boire quand le plus infime doute avait traversé son esprit, préférant se priver plutôt que de courir le moindre risque.

...
Il finit par se convaincre qu'il avait été stupide d'effectuer cette démarche. Le cœur léger, il prit son coupe-papier à lame en ivoire et manche d'ébène et incisa l'enveloppe. D'une main ferme, il en sortit le feuillet et découvrit les résultats de l'analyse. Son teint, déjà fort pâle, perdit toutes couleurs. Il se laissa tomber dans son ottomane : il était séropositif. Dépité, Dracula se mordit les lèvres, cherchant à se rasséréner avec son propre sang.

09/12/2009

NOUVELLE TECHNIQUE

Si attirer la jeune fille à l’écart de la fête fut chose aisée – son charme n’avait rien perdu de son intensité – l’entraver et la bâillonner se révélèrent deux exercices de haute voltige. Là, il commençait sérieusement à sentir le poids des ans. Sa  joue droite, lacérée de vilains coups d’ongles, le lui rappellerait quelques temps.

La voiture à l’abri des regards dans son garage souterrain, il extirpa sa victime du coffre exigu dans lequel il avait presque dû la plier en accordéon. « Souple ! Bon signe ! » Il la transporta dans son salon de dégustation qui jouxtait le garage. Il fixa une manille à la sangle qui lui entravait les chevilles et, à l’aide d’un système de chaînes et de poulies, l’éleva sans effort vers le très haut plafond jusqu’à ce que sa tête se trouve à hauteur de la sienne. La longue robe tomba comme un rideau, la cachant à demi et révélant de fort jolies jambes qu’il admira quelques instants. « Quel gâchis ! Mais c’est elle ou moi. » D’un geste brusque, il arracha l’habit d’organdi et le jeta dans un coin. La prisonnière en recouvra ses esprits et voulut hurler. Impossible.

Il sourit. C’était toujours meilleur quand elles étaient en pleine possession de leurs sens. À l’aide d’un stylet flambant neuf, il pratiqua une petite incision au niveau du cou et, patiemment, recueillit le mince filet incarnat dans une flûte en cristal. Depuis qu’il s’était fait poser un dentier complet, Dracula avait dû revoir sa technique d’alimentation.

« Santé ! »

05/12/2009

Maigros - Épisode 90

Tout spécialement pour Marc Bonetto :

MAIGROS vs LE PÈRE MAÇUEL


...Maigros sort de chez Claude Poncelet, un peu plus lourd de deux plombages aux molaires, un peu plus léger de quelques centilitres de liquide séminal. Pour digérer la cyprine de la dentiste, un peu trop marache1 à son goût, il décide d’aller s’envoyer un ou deux pastis-Guinness au Lolotte’s Bar. Après tout, il est en mission…
...À l’entrée de la rue de Dampremy, il tombe sur un attroupement : une trentaine de personnes sont regroupées autour d’un énergumène épouvantaillé en ce qui ressemble à un curé de l’ancien temps. L’accoutré, juché sur un baudet et coiffé d’un chapeau qu’une sorcière ne renierait pas, vocifère pour son public.
...— Une mosquée, c’est plus dangereux qu’une centrale nucléaire !... On peut tout changer, on peut tout moderniser, sauf Dieu !... La caravane aboie, les chiens pissent !... Bâtir une mosquée en Europe, c’est pire que les SS-20 soviétiques !...
...— Si les voies du seigneur sont impénétrâp’, c’est pasque les tapettes bandent mou !
...— Qui es-tu, toi qui oses interrompre la parole de notre seigneur Dieu ?
...— Inspecteur principal Maigros Désiré, d’la police de Châlèrwè ! Vos papiers !
...— Vade retro, Satanas ! Tu t’adresses au père Maçuel !
...Maigros, sentant que les badauds ne lui sont pas trop sympathiques, sort sa pétoire et se la joue à la Dirty Harry.
...— Ta gueule, le corbeau d’musique-ale ! Tes papiers, j’ai dit ! J’compte jusqu’à trois et j’crève les sabots d’ton véhicule ! T’as pas vu l’panneau ? Un cerc’ rouch’ avec du blanc d’dans ! Ça veut dire « Interdit à tout conducteur », Trouduc ! Un… Deux…
...— Ne vous énervez pas, Inspecteur. Voici ma carte d’identité. Je suis citoyen belge !
...— Citoyen, mon cul !
...Maigros saisit la carte que lui tend l’enfroqué.
...— Tu descends d’ton véhicule et tu mets les mains sur la selle… Père Maçuel, tu m’as dit… Là… Écarte les jambes, connard ! Là, c’est marqué Boniface Zodemir, né à… Où ça ?
...— C’est au Kurdistan, Inspecteur.
...— Mwé… Kurdistan, Jelvikistan, ça rim’rait dans un poème à Poireau. Écartez-vous, l’public, ou j’tire dans l’tas ! Et c’est pas des balles en chwaingomme ! Bon… D’abord, t’enlève ton déguis’ment, on n’est pas… Ta gueule !... En périôt’ de carnaval. Et j’te colle un premier pévé pour mascarade non autorisée. Deuzio, fais voir les papiers d’ton véhicule !
...— Mais ! C’est un âne !
...— Rien à foutre ! T’as l’certificat d’immatriculation, la cart’ verte et l’papier du contrôle technique ? Pasqu’il a plus d’quatre ans, ton véhicule, à voir comme y pollue à terre ! Ta gueule ! T’es pas en rèk’ avec ton véhicule ! Deuxième pévé ! Troizio, tu conduis dans un piétonnier ! Troisième pévé. Ta gueule, oh, dis ! Quatro, je t’en colle un d’plus pour exbitionnisme : on n’se promène pas en ville en calcif et T-shirt ! D’autant plus qu’il est marqué d’ssus « Fuck Benoît ixe vé un » ! Un cinquième pour incitation à la haine ! T’es mal barré, Corbeau ! T’es très mal barré ! Et ferme ton bec, le fromage est par terre depuis longtemps ! J’te déclare en état d’arrestation ! Tes droits ? Tes droits, j’m’en branle !
...Maigros passe un bracelet au poignet du père Maçuel et l’autre à une cheville arrière de l’âne qu’il attache solidement à l’un des petits arbres qui essaient de survivre dans la rue.
...— Tu bouch’ pas ! Les aut’, circulez ! J’appelle le panier à salade et la S.P.A. Et j’sais pas ’core qui pour quoi ! Allez ! Foutez l’camp !
...D’un pas décidé, Maigros reprend son chemin vers le Lolotte’s Bar. Il a vraiment besoin de quelques pastis-Guinness : il ne se souvient pas d’avoir jamais travaillé autant !

1 marache (wallon) : qui sent le poisson.

Cet épisode est paru dans Charleroi autrement, supplément au #21 de la revue Reflets Wallonie-Bruxelles.

Pour en savoir plus sur la victime de Maigros :
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8re_Samuel

29/11/2009

GUEULE DE BOIS

...AU RÉVEIL, LA bouche est toute pâteuse de résidus de rêves : langue engluée d'images insolites, gencives albuminées de mots insensés, dents intersticées d'interjections diverses.

...Méthodiquement, j'essaie de récupérer (raclements, fouinages, extirpations, excoriances) ces particules d'un tout pulvérisé, ces multiples schismes d'un dogme hérétique, ces flashes éparpillonnés dans le jais de l'amnésie. Lentement... Une tête empalée sur un corps... Un oeil yo-yotant à la patte d'un chien aveugle... Des enfants construisant un bonhomme d'eau sous la pluie... Une machine à déQ.I.fier les dresseurs d'animaux... Une bouche édentée, élanguée, élèvrée, ritournellant des mots d'amour... Des lambeaux de rêves que je patchworke patiemment. Jusqu'à ce que l'aiguille me transperce le pouce et que la douleur me réveille.

Extrait de Proses à hic, Éd. Gros Textes, 2001.
Pré-textes de Jean Claude Bologne.
Épuisé (je pense).
L'éditeur : gros.textes@laposte.net
Son site : http://rionsdesoleil.chez-alice.fr/GT-CatalogueGeneral.htm

24/11/2009

JEU POUR ADULTES

Lorsque le roi vit sa reine se faire mettre par son fou de droite, il les cloîtra tous deux dans la plus délabrée des tours. Il s’installa dans l’autre avec ses deux cavaliers et son fou resté fidèle pour faire ripaille. Frustrés, les pions firent le siège des deux bâtiments, liquidèrent définitivement le seigneur et sa cour et rasèrent ses murs.

23/11/2009

COMMANDE À DISTANCE

Commande à distance (Fossé).jpgJe voudrais être toi. Toi qui lis ceci. Ma main déposerait le stylo et la tienne le reprendrait. Histoire que tu voies ce que c'est, écrire. Ou du moins essayer. De mon côté - c'est-à-dire du tien - je commencerais par éteindre la télévision puis je bazarderais la télécommande, que tu puisses travailler dans le calme.

 

 

Extrait de Dans la vie à coups de pioche, Éd. Gros textes, 2004.

Illustration de Fabrice Fossé.

14/11/2009

DROIT DE VOTE ET DÉMOCRATIE

Droit de vote (Fossé).jpgSi tu me dis que tu votes à droite, je resterai de marbre. Je suis gentil de nature. À chacun sa liberté de voter et de raconter pour qui il vote. Mais je penserai que je t'encule. Avec un manche de pioche. Serti de fil de fer. Barbelé. Rouillé. Et comme je suis gentil de nature, tu y prends du plaisir. À bon entendeur...

Extrait de Dans la vie à coups de pioche, Éd. Gros textes, 2004.
Illustration de Fabrice Fossé.

10/11/2009

DR. HOUSE REVISITED

Dr. House est la seule série que je regarde avec plus ou moins de régularité. J'ai donc un petit faible pour ce texte paru dans le n° 10 de La Belle-mère Dure.

- Alors, d'après vous, de quoi ce patient est-il atteint ? Foreman ?Dr. House.jpg
- Lupus ! Il faut le mettre sous corticoïdes et...

- Non ! Si c'était un lupus, il n'aurait pas autant de stéroïdes dans les urines ! Et vous avez certainement fait des placements dans les corticoïdes, vous, Foreman ! Numéro 13 ? Votre avis éclairé ?

- Maladie de Marmorøyen-Tørvikbygd ! On a l'haleine fétide, le sang dans les selles et...

- Impossible ! Avec un Marmorøyen-Tørvikbygd, il n'aurait pas la verge aussi ratatinée et les testicules comme des pitchounettes d'olives noires toute fripées. Kutner ?

- Insuffisance cardiaque, tout simplement. Le sang n'arrive plus à faire gonfler la verge et...

- Pas mal ! Ce patient manque certainement de cœur mais c'est insuffisant. Et puis, vous souffrez de défibrillationite aiguë, Kutner ! Toujours à vouloir électrochoquer le patient pour un oui ou pour un non. Et vous, Taub ? Une étincelle ?

- Euh... Je pensais à un hydrargyrisme sous cutané couplé à une phthiriase, ce qui expliquerait la couleur bizarre de la peau, les démangeaisons et la purulence au niveau du bas-ventre, les...

- Mais certainement pas les pets nauséabonds et la puanteur de sa sueur ! Zéro sur toute la ligne ! Pour toute l'équipe ! Vous êtes tous à côté de la plaque. Le patient souffre tout simplement de véreusité politique. Tous les symptômes concordent. Alors, vous me trouvez la plus grosse caméra d'exploration anale disponible dans cet hôpital et vous commencez par une colonoscopie sans péridurale, de l'anus jusqu'à l'estomac ! Oui, sans péridurale et jusqu'à l'estomac ! Après, on verra ce qu'on peut encore lui procurer comme autres petits plaisirs...

08/11/2009

TESTS

.....Elle a commencé par la chaise électrique. Puis elle est passée à la chambre à gaz, ensuite à l'injection létale. Elle a continué avec quelques armes à feu, différents types de grenades et des bombes de toutes tailles. Elle a tâté de la guillotine, de diverses armes blanches et contondantes. Elle est passée aux poisons. Finalement, rien ne lui plut autant que sa bonne vieille faux qu'elle se mit à aiguiser avec amour.

07/11/2009

PRUDENCE

prudence.jpgÀ l'approche de l'automne, je commence à regarder mes livres de plus en plus fréquemment, l'œil inquiet. C'est plus fort que moi : j'ai tellement peur qu'ils se mettent à perdre leurs feuilles !

Illustration de Joaquim Hock
Extrait de Contes de la poésie ordinaire (Éd. Memor, 2005)

28/10/2009

UN PETIT FUTÉ

Il arriva à l'entrée d'un long couloir. À gauche, un mur blanc et lisse. À droite, des portes blanches et lisses. Il poussa la première. Fermée. La deuxième. Verrouillée. La troisième. Même chose. Il les essaya toutes jusqu'au bout. Sans succès. Sa grand-mère avait raison quand, tout petit, elle lui disait déjà : « Vous n'êtes qu'un vilain garnement ! Vous n'irez jamais au Paradis ! » En voyou adulte, il sortit un pied-de-biche d'une poche spécialement aménagée dans son pardessus de monte-en-l'air.

26/10/2009

LA COURSE DES FANTÔMES

Au train-train et à ceux qui le poussent.

Huit heures du matin. Les fantômes sprintent pour un 54, un 63, un 29. Courent un peu plus loin pour un 71 et plus loin encore pour le métro. Les fantômes foncent vers un bus déglingué ou une rame pisseuse qui les emmène vers un immeuble blafard, un bureau terne, un boulot rebutant. Ils rencontrent des collègues fantômes, téléphonent, faxent, envoient des courriels à des fantômes éloignés, remplissent de fastidieux formulaires, rédigent d'ingrats rapports, examinent d'horripilants dossiers, obéissent aux ordres vexatoires de fantômes en chef.

Dix-sept heures. Les fantômes courent dans l'autre sens vers une gare puante pour attraper le train fétide de 17h18, 17h19, 17h20 ou 17h23 qui les ramène vers une lugubre destination, une rue morne, une maison chagrin. Là, ils mangent un repas fade en regardant un téléfilm creux, ont un feu follet d'orgasme avec un conjoint fantôme, dorment d'un sommeil trouble pour finalement arrêter la sonnerie d'un réveil bien réel et se lever pour une toilette mécanique, un petit dèj' insipide suivi d'une course fantôme vers...

Des fantômes. Même pas des spectres.

12/10/2009

GRAND-MAMAN 'POLDINE

(Une petite anecdote bien réelle qui me fait toujours sourire chaque fois que j'y repense.)

...Plus je vieillis, plus j'apprécie la compagnie de gens de soixante-quinze, quatre-vingts ans, voire plus. Serait-ce que mon rythme de vie - j'avance tout doucement dans la cinquantaine - se rapproche sans arrêt du leur ? Depuis quelques années, j'aime prendre le temps de faire les choses alors qu'avant, c'était la vitesse qui primait : en effectuer le plus possible dans le laps de temps le plus court. Comme la plupart des personnes du quatrième âge - ou presque - que je côtoie, je ne me lance plus tête baissée dans une entreprise mais je fais ça à l'aise, sur mon poids, comme on dit.
...
Ces « petits vieux », j'aime beaucoup les écouter raconter leurs souvenirs d'enfance, ce qu'ils ont vécu durant la seconde guerre mondiale, des anecdotes souvent très comiques alors que les temps étaient durs. Peut-être ont-ils, après plus de soixante ans, oublié les mauvais moments pour ne se rappeler que les meilleurs.
...
Et puis, il y a les perles qui se glissent à leur insu dans leur façon de s'exprimer, les mots écrasés, les tournures de phrases incorrectes, les expressions patoisantes et...

...Dernièrement, j'écoutais une vieille cousine raconter une petite histoire sur sa grand-mère :
...
« Le problème de Grand-maman 'Poldine, c'était qu'elle ne reconnaissait pas les couleurs.
...
- Elle était daltonienne ?
...
- Non, Nivelloise. »
...
Et moi, dans mes efforts pour conserver tout mon sérieux, de perdre complètement le fil de cette histoire.

08/10/2009

TEXTE NUiT

Texte nuit.gifÀ la lueur de la pleine lune, je déguste lentement une bouteille de vin. Le travail terminé, je prie pour inverser les rôles : une vide lune & une pleine bouteille ! Mais, bien entendu, le miracle n'a pas lieu : Dieu dort probablement déjà.

Illustration de Pierre Tréfois.
Extrait de Prises de vies en noir et noir
Éd. Gros Texte, 2009
8 € (+ frais de port)
L'éditeur : http://rionsdesoleil.chez-alice.fr/GT-CatalogueGeneral.htm

07/10/2009

Élagage max... (2)

CONFLIT DE GÉNÉRATIONS
Il était en avance sur son temps. Tellement en avance que, lorsqu'il mourut, personne ne savait qu'il était né.

NARCISSE 2001
Narcisse regardait la télévision vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les programmes étaient tellement nuls qu'il avait fait remplacer l'écran du poste par un miroir.

CONSCIENCE PROFESSIONNELLE
Il décida qu'il n'aurait plus les pieds sur terre et s'efforça de tenir parole. Bientôt, on dit de lui qu'il vivait sur un nuage. Il se prit tellement au jeu que, les jours où le ciel était pur, il restait introuvable.

Trois extraits d'Élagage max...
Éd. Memor, 2001
Préface de Jacques Sternberg
(Le livre n'est plus disponible en librairie mais j'ai encore quelques exemplaires.)